Sous-bois

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Un rayon de soleil traverse les frondaisons pourpres et déjà ajourées de l’automne. Il s’étale en flaque d’or sur le tapis végétal et rebondit sur les écorces des longs fûts ascendants. Alors le décor sylvestre s’illumine en profondeur et soudain les couleurs s’organisent en une flamboyante partition, les formes s’animent dans un vaste mouvement orchestré, cependant qu’un subtil frémissement des feuillages filtrants fait partout miroiter les reflets de feu. Surgissent mille modulations, qui créent un incessant ballet de variations chatoyantes et musicales, où palette devient table d’harmonie, où teintes, touches, tonalités, partition se confondent dans une véritable symphonie picturale. La forêt s’empare de notre espace, nous enveloppe, nous impose un flux de sensations multiples, tandis que sous nos pas crissent feuilles sèches et petits branchages, éveillant quelque secrète senteur d’humus.

Magie de l’artiste, qui a créé là une œuvre vivante, jamais figée, dans laquelle le regard, chaque fois, fait redécouvrir un autre mouvement, une autre musicalité, d’autres vibrations et puise toujours, lors de ces promenades immobiles, le même bonheur contemplatif.

Superbe démonstration de talent, ce tableau est aussi un extraordinaire témoignage d’amitié et de générosité de l’artiste, avec lequel j’eus le rare privilège, à la fin des années cinquante, de partager d’inoubliables moments dans le foisonnement des pensées issues de ses riches méditations et de sa pleine éclosion créative, et d’assister aux premiers événements qui firent sa consécration parisienne.

Parfois, lorsque mon regard s’arrête sur ce majestueux Sous-bois et qu’il s’y attarde en longue rêverie, il me plaît à penser, avec émotion et sans modestie, qu’un aussi magnifique élan d’inspiration ait pu trouver, peut-être, une source dans le très fort lien d’amitié qui nous unissait alors et qui n’a jamais faibli depuis.

Son vieil ami Claude.