Qui n’a jamais rêvé posséder une belle et grande œuvre de son artiste préféré.
Pour ma part, aussi loin que remonte ma mémoire, ce sont, au contraire, les petits formats qui m’ont toujours procuré les plus belles émotions et ont toujours eu ma préférence.
Ainsi, jeune adulte entrant dans le monde du travail et résidant alors à Paris, mes premiers achats se portèrent tout naturellement vers des petits formats de l’Ecole Comtoise, signés André Charigny principalement, artiste dont la sensibilité et la poésie m’ont toujours séduits.
Franc-Comtois déraciné et perdu dans l’anonymat de la capitale, j’avais décidé de venir une fois par mois, vivre et respirer tant le bonheur que le bon air de la Comté et retrouver ainsi, des lieux familiers de mon enfance et sensations maintes fois éprouvées lors de vacances dans la grande maison familiale de Chemaudin.
Débarquant en milieu de matinée à la gare Viotte, le samedi matin, ma première visite me menait tout naturellement vers « la Boucle » et la galerie Médicis, ou les cimaises me réservaient, chaque fois, des émotions nouvelles.
Et puis, un beau jour de 1995, alors que Jean-Claude Bourgeois était l’invité de ce bel endroit, devenu au long des années, un lieu familier et très apprécié, je découvris sur les cimaises, une petite peinture au nom à la fois chaleureux et mystérieux : « le Pays Bleu ».
Imaginez. Sur une toile de format 2 figure (24×19), un petit paysage enneigé, ou trois fermes du « Haut », blotties au pied d’un massif montagneux qui pourrait être le Larmont, tentent, tant bien que mal de résister à la rudesse du climat. Sous la bienveillance d’un arbre dénudé par la saison, si chère à l’artiste, un petit personnage tout emmitouflé et appuyé sur une canne, semble cheminer vers un lieu inconnu, par une belle matinée d’hiver, froide et lumineuse.
L’ensemble, peint dans un camaïeu de tons gris et bleus et rempli d’une belle lumière nous adresse l’expression et la représentation d’une scène de vie quotidienne dans le Haut Doubs à une époque où l’artiste n’était encore qu’un enfant.
Jean-Claude m’expliqua, plus tard, que le titre de ce petit moment d’émotion n’était pas seulement le fruit de son imagination, mais que le « Pays Bleu » était le nom du livre de lecture dans lequel il apprit à lire.
Toute une époque se trouve donc racontée et décrite sur cette petite toile grâce à la sensibilité et à l’art du peintre, mais aussi et surtout grâce à sa facilité à se remémorer et à faire revivre les joies et les émotions de son enfance.
Quel bonheur et quelle chance ont les artistes, qu’ils soient peintres, poètes ou romanciers, que de pouvoir remonter le temps et retrouver des pans entiers de leur jeunesse. Mais peut-être ont-ils tout simplement la faculté et la sagesse d’avoir su conserver, au plus profond d’eux-mêmes, une partie de leur âme d’enfant.
Symbolisant tout autant la richesse intérieure d’un grand artiste contemporain que l’expression d’un homme profondément humain et viscéralement attaché à sa terre, cette petite scène rurale d’un autre temps, allait au cours des années devenir, pour moi, une des œuvres les plus chargées d’émotion et de nostalgie de ma petite collection.
A Besançon, début mars 2009. Sylvain.